Livre&vous 24

đź“–Serge / Yasmina Reza

Un livre comme une chronique de l'absurditĂ© du XXIe siècle, gorgĂ© de fiel, d'humour trĂ©s noir oĂą l'on rit de dĂ©sespoir, de dialogues crĂ©pitants, de rĂ©pliques cinglantes, oĂą tous les comptes sont soldĂ©s Ă  coups de griefs mal digĂ©rĂ©s, de petites rancunes assises sur une mĂ©moire racornie.comme Yasmina Reza sait faire. Elle traite de thèmes tragiques avec une lĂ©gèretĂ© absolument stupĂ©fiante, ce qui fait, Ă  mon avis, tout son art. Un mĂ©lange saisissant de Queneau, G,PĂ©rec et A,Cohen. C'est d'une luciditĂ© poignante et hilarante, avec un art de donner souffle Ă  des ĂŞtres hantĂ©s par l’insignifiance ou attaquĂ©s par la mĂ©lancolie.

Comme toujours avec Y. Reza, l’intrigue est loin de former l’essentiel. Disons simplement qu’il est question d’une fratrie, Serge, Jean et Anne, qui entreprend de faire un voyage à Auschwitz.

Ca ressemble à une comédie humaine nourrie d'un comique de situation réglé comme au théâtre, qui met en scène avec brio la vanité tragique de la vie et qui fait de Y.Reza un extraordinaire dramaturge de la désolation humaine. .

Ça déménage, c'est comme du mercure... Avec de vieux relents d'enfer relationnel. (On dirait du Baccri). Ça s'engueule, ça se rabiboche. Plus que l'histoire elle-même, c'est cette composition-là de dialogues et de scènes qui donne l'énergie et le rythme du récit.....L'autrice nous fait, là, une description de l'enfermement et de la dépendance des liens familiaux, des liens fraternels qui nous enchaînent pour la vie, pour le meilleur et pour le pire, parce que chez les Popper, des juifs non-pratiquants d'origine viennoise, on s'aime autant qu'on se chamaille - même lors d'une visite groupée dans le camp d'Auschwitz-Birkenau qui donne lieu à une scène surréaliste où les protagonistes s'insultent pour des peccadilles peu appropriées à la hauteur de la tragédie de l'endroit. Cette scène, comme un décalage total occupe plus de la moitié du livre et décrit cette visite à Auschwitz comme une visite dans un parc d'attraction. La romancière ne rit bien entendu pas des camps de la mort mais de leurs visiteurs. Entre les perches à selfie, elle peut allégrement lancer ses fléchettes caustiques et autres répliques mordantes.

C'est aussi un livre sur le vieillissement, où, tout d'un coup, ça vous saute à la gueule : vous ne pourrez plus rien faire.

 

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