Livre&vous 16

Chavirer de Lola Lafon

📚 Une histoire qui révolte, qui bouleverse.

« Il faut raconter ce qui hante » dit, dans le roman, une documentariste qui veut dévoiler l’existence d’un réseau de prédateurs sexuels envers de jeunes adolescentes issues de milieux modestes entre 1984 et 1994 et recherche celles qui se sont tues pendant 35 ans. Les victimes ? Cléo, Betty et des dizaines d’autres très jeunes filles qui rêvaient de devenir danseuses, cavalières, stylistes. A travers le regard de Cléo et de Betty, Lola Lafon dépeint le fonctionnement de ces réseaux, la honte et l’image de soi démolie pour la plupart d’entre elles alors devenues femmes. Mais pas seulement : l’auteure décrit avec réalisme et respect le dur travail des danseuses de cabaret, la cruauté des auditions, l’admiration du public banlieusard et provincial.

L’histoire : à la fin d’un cours de danse à la MJC de son quartier en banlieue est parisienne, Cléo, 13 ans, est abordée par Cathy, une femme élégante, qui souhaite la soutenir pour être lauréate de la fondation Galatée, un organisme qui permet à des jeunes filles d’origine modeste de réaliser leur rêve. Cathy emmène Cléo au restaurant, lui offre des cadeaux, de l’argent la conseille afin qu’elle puisse avoir un dossier « intéressant ». L’adolescente, tout comme ses parents, est subjuguée par le charme, la classe, le savoir de Cathy. Ayant, selon cette dernière, franchi plusieurs étapes de la sélection, Cléo se rend à un déjeuner où sont présents d’autres jeunes filles de son âge et des messieurs de 30 à 40 ans plus vieux. Cléo est violée par l’un d’entre eux qui, en plus, par une remarque, lui fait honte. Mais Cléo ne dit rien. Elle se sent terriblement seule, tombe malade, mais ne veut surtout pas perdre l’attention de Cathy ; elle devient alors rabatteuse en recrutant des filles de son collège avec lesquelles, jamais, elle ne parle de ces déjeuners.

Très habilement, Lola Lafon montre comment s’installe l’état de sidération des très jeunes victimes de viol, combien il est difficile pour une adolescente à la fois victime et transformée en complice de dire, d’expliquer, de trouver les mots, de se construire, de devenir la femme qu’elle rêvait d’être.

C’est un roman qui, pour moi, fait écho à celui de Vanessa Springora, Le Consentement . Les dernières lignes sont très émouvantes.

 

📖  https://mediatheque.saintandredecubzac.fr/detail-d-une-notice/notice/1315101996